Intro : le pourquoi du comment.

logo_vicious_circle_vieux20 ans… Le bel âge, pour un humain certes, mais pour un label ? L’espérance de vie d’un label a sans doute plus à voir avec celle du chient ou du chat. L’espérance de vie, on n’y pense pas quand on monte un label, à fortiori quand on n’a aucune expérience dans ce domaine, aucune formation, aucun parrain. On fait ça parce qu’on a 25 ans, qu’on aime passionnément la musique et qu’on rêve jour et nuit qu’elle soit là à nos côtés tout au long de notre vie. A 25 ans, on rêve et c’est tant mieux… on bosse aussi, le jour, la nuit aussi, sans plan de carrière, sans plan de quoi que ce soit d’ailleurs…

Début 1993, cela fait à peine plus d’un an que j’ai quitté Toulouse pour Bordeaux, la ville du fameux Jimmy, bar rock à la sono démesurée, au plafond trop bas, aux chiottes pourvoyeurs de bacilles toxiques en tout genre et à la programmation fantastique. La chance a voulu que je trouve un poste d’objecteur de conscience au Centre Info Rock. L’occasion était trop belle !

1993, Abus Dangereux, heureux fanzine dont nous avons discrètement fêté le quart de siècle l’an passé, proposait déjà des CDs samplers entre ses pages et l’équipe de base (Eric, Cathy, Jean-Marie ainsi que moi-même) y travaillions avec passion. 1993, c’était aussi la troisième année d’activité du catalogue de VPC, Vicious Circle (titre du groupe anglais Strobe) où nous diffusions pas mal de CD et vinyls produits dans ce beau pays en plus d’importer ceux de Munster records en Espagne et plein d’autres des Etats-Unis. Car même si les années 90 ne connaissaient aucune crise du disque, beaucoup ne trouvait déjà aucune diffusion et c’est toute l’effervescence des années 80 qui avaient vu se créer nombre de labels indépendants, de fanzines, radios, groupes etc… qui trouvaient naturellement leur prolongement au début de cette décade.

Quand aujourd’hui on compte sur les doigts de la main les fanzines papiers, à l’époque (où internet n’existait pas), ils étaient des centaines. Abus Dangereux avait cependant la particularité de paraître régulièrement, cinq fois l’an. C’était une volonté parce que nous estimions que ce qu’il manquait à cette presse alternative et à la scène qu’elle soutenait, c’était justement de pouvoir d’appuyer sur quelque chose d’aussi solide que possible si elle voulait perdurer. A notre petit niveau, nous voulions cela et si ça n’a pas révolutionné le monde, au moins avons-nous développé une certaine capacité de travail et d’organisation. La création d’un catalogue de VPC visait autant à développer l’économie du journal et donc d’assurer sa continuité, qu’à offrir à nos lecteurs la possibilité de se procurer facilement et aux moindres coûts les disques dont nous parlions.

Avec le recul, je me demande si nous aurions fait les mêmes choix à l’heure d’internet. C’est vrai qu’internet est un truc formidable. Quantité de webzines permette toutes les audaces. Pour quasi rien, tout le monde peut construire, innover, s’amuser, créer. On n’imagine plus le temps que nous passions avec notre pauvre Amstrad CPC1664 à  taper, imprimer (imprimante à aiguilles dont nous réencrions le ruban manuellement pour faire des économies. Résultats : les aiguilles se collaient, ça se voit sur certains numéros…) découper, coller, faire les titres en lettres adhésives, photocopier, agrapher, etc… Toutes ces conneries épuisantes ont durci notre cuir, notre capacité à nous organiser et à gérer, à tout apprendre sur le tas et, surtout, à travailler pour que l’argent investi revienne. C’est là l’énorme différence avec aujourd’hui. Un webzine ne coûte rien hormis du temps. Au final, peu importe qu’il soit plus ou moins lu. A l’époque, les centaines d’exemplaires d’Abus, fallait qu’ils se vendent sinon c’était pour notre poche. Mine de rien, ça aide à se construire, à prendre des risques, à apprendre de ses erreurs et de ses réussites. A se dire aussi, finalement quand le long tunnel des étude arrive à la fin, qu’il y a peut-être une possibilité, aussi petite soit-elle, pour essayer d’en vivre ! Le rêve !

Ce label est né ainsi, de bases pas inexistantes. mais surtout d’une envie, folle, celle de ne pas se cantonner dans la critique, de passer en quelques sortes de l’autre côté de la barrière : produire, éditer et défendre des musiques et des artistes. Etre critiqué plutôt que de critiquer. Il y a beaucoup à perdre ; des sous certes mais aussi des illusions et de l’amour propre. On peut dire que nous avons été servi…

Ce blog, pour raconter chaque disque édité, n’a aucune prétention autre que celle de fixer des souvenirs qui s’effacent peu à peu. Mais aussi, pourquoi pas, se repasser certains disques qu’on n’a pas écouté depuis longtemps. Certains ont forcément vieilli, d’autres pas. Aussi, vous êtes invités à réagir et, pourquoi pas, apporter votre contribution sous forme de textes, anecdotes, photos, etc… tout ce qui permettra d’enrichir une passion qui nous est commune. Et tout au long de cette année 2013, je m’efforcerais donc de parler de chacun des 125 disques parus. Je serais sans doute en retard, ne m’en veuillez pas… Tout le monde sait que je suis toujours en retard…